Leda et le cygne

Rubens
Pierre Paul Rubens, Leda et le cygne, vers 1600, huile sur toile, 64.5 × 80.5 cm, Museum of Fine Arts, Houston

Rubens (1577-1640), est surtout connu pour la réalisation, au Palais du Luxembourg, d’un grand cycle de peinture à la gloire de la reine Marie de Médicis. Outre le fait d’être un peintre humaniste et érudit, c’est aussi un artiste engagé, ambassadeur auprès de la cour d’Espagne notamment pendant la guerre qui touche les Pays-Bas à ce moment.  Rubens séjourne un long moment en Italie où il voit des œuvres de la Renaissance italienne. A partir de cette culture littéraire et visuelle qui acquiert, Rubens crée un nouveau langage qui, à son retour à Anvers, transforme la peinture flamande, et devient un modèle pour toute l’Europe.

Pierre Malandain, dans son article, « L’histoire qui se prend par les yeux… » : Michelet et Rubens, étudie la position de Michelet par rapport aux tableaux de Rubens. Il souligne que Michelet, considère ces derniers comme l’« expression  gratuite d’une sensualité provocante » (1). Dans ce tableau mettant en scène une jeune femme et un cygne, Rubens réemploie l’iconographie déjà ancienne de Léda et Jupiter (alors transformé en cygne pour la séduire). Cependant, il positionne la jeune femme de manière provocante, en érotisant le moment de l’union de Léda et du dieu. Léda se retrouve sous les traits d’une femme aux formes bien dessinées, nue au milieu de la nature. Elle parait comme assoupie, reposée et calme. L’érotisme de cette scène est marqué par le léger écartement de ses cuisses, qui permet au cygne de se blottir contre elle et de s’unir à elle. L’étreinte de leur deux corps est suggérée par leur proximité mais aussi la manière dont Rubens a réussi à imbriquer les deux êtres. Ainsi, le cygne suit toutes les courbes de la jeune femme. Ses pattes touchent les fesses de Léda tout en cachant son sexe, son cou vient se lotir entre les deux seins et pour finir le bec de l’oiseau embrasse la jeune femme dans un baiser ultime.

Les ailes déployées du cygne, semblerait rappeler la puissance virile du dieu pendant leur union. Ainsi, Jupiter utilise à la fois force de l’homme et douceur du cygne pour séduire Léda. Lorsque Michelet voit une « sensualité provocante » (2), on peut souligner en effet que la présence du cou loti au creux des seins de la jeune fille, est peut-être provocante pour un spectateur. Puisqu’en effet, le cou rappelle de manière non innocente la forme d’un sexe masculin. On peut aussi rajouter à cela que la blancheur du corps de la jeune femme, mis en avant par un fond de végétation très sombre, donne à ce moment intime un aspect très sensuel.

(1) Malandain Pierre. « L’histoire qui se prend par les yeux… » : Michelet et Rubens. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 29ᵉ année, N. 2, 1974. pp. 349-367

(2) Ibid.

Fragonard Libertin

Fragonnard
Jean Honoré de Fragonard, Les baigneuses, 1763 – 1764, huile sur toile, 0,64 x 0,80 m, Paris, Musée du Louvre

Jean Honoré de Fragonard, né à Grasse en 1732 et mort à Paris en 1806, « passe communément pour un peintre galant et virtuose, l’incarnation parfaite, avec Boucher, du XVIIIe siècle spirituel, léger et polisson » (1) remarque d’emblée, Georges Brunel, dans son article sur Encyclopedia Universalis. Il nous rappelle également que Restif de La Bretonne, Laclos, mais aussi Sade sont les contemporains de Fragonard. Ainsi, il n’est pas étonnant que « le goût de la galanterie, allant jusqu’au libertinage et même jusqu’à la pornographie, demeure vivace » (2).

Fragonard peint entre 1763 et 1764, Les baigneuses, une huile sur toile conservée au Musée du Louvre qui fait partie de ces représentations sensuelles et un peu immorales qui semblent avoir fait la réputation d’un Fragonard libertin. Élève de Chardin et de Boucher, génie audacieux Fragonard reprend le thème de jeunes filles en pleine nudité qui s’offrent au regard de leur spectateur. Ici, elles sont en train de s’ébattre dans un ruisseau, au milieu d’un bois. Ces cinq jeunes demoiselles nues sont enveloppées à la fois dans les eaux qui bouillonnent mais aussi par des draperies qui vole au vent. Par le mouvement des tissus, de l’eau écumant mais aussi des bras de la jeune fille au sommet de la pyramide rappelant la forme de l’arbre à sa gauche, Fragonard crée une atmosphère voluptueuse où « le ton est celui de la gaieté et d’une sorte d’ivresse joyeuse » (3). « C’est un enchevêtrement de corps nus, autour desquels bouillonnent l’eau et les draperies. Un pinceau léger, souple et fluide, suit la vivacité des mouvements, tourbillonne avec les formes et les reflets » (4). Fragonard a une entière maîtrise de la lumière dans son tableau. En effet, en plus de la figure en repoussoir de la jeune fille qui s’offre totalement au plaisir de la vue, il focalise la lumière sur le ventre de celle positionnée au-dessus. Camouflant subtilement le sexe de cette dernière par un tissus soyeux, il lui donne un rôle prédominant sur les quatre autres jeunes filles. Elle semble s’envoler, ce qui met en valeur, sa chair blanche et sensuelle. Il crée une sorte d’ascension dans son tableau, en dirigeant le regard par un mouvement de tête assez exagéré de la jeune femme de gauche vers celle au sommet.

Il obtient le prix de Rome et part continuer sa formation académique à Rome, comme nombre d’artistes de cette époque. Il acquiert une connaissance très étendue de la peinture italienne. Cette composition des Baigneuses, rappelle très fortement l’iconographie des nymphes ou encore celle du bain de Diane.  Bien que les représentations scabreuses ne déplaisent pas à Fragonard, il n’y nulle part de « sensualité morbide ou dépravée ». sans rien de trouble ou de pervers.

(1) Georges BRUNEL, « FRAGONARD JEAN HONORÉ – (1732-1806) ». In Universalis éducation [en ligne]. Encyclopædia Universalis, consulté le 16 avril 2016. http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/jean-honore-fragonard/

(2) Ibid.

(3) Ibid.

(4) Ibid.

Une monnaie particulière à Thasos

Thasos, statère au satyre ithyphallique. Date : c. 470-463 AC (© CGB.fr, Creative Commons BY-SA)
Thasos, statère au satyre ithyphallique. Date : c. 470-463 AC (© CGB.fr, Creative Commons BY-SA)

On retrouve parfois des images érotiques dans des endroits particuliers. C’est le cas par exemple de celle que l’on peut retrouver sur une monnaie de Thasos. On peut y voir un homme et une femme dans une position érotique particulière. Comment expliquer la présence d’une telle scène sur des pièces de monnaie, qui circulaient librement dans toute la mer Égée ?

Comme l’explique Matteo Campagnolo sur le blog des Musées d’Art et d’Histoire de Genève (1), on ne trouve sur les pièces grecques anciennes que des divinités ou des animaux mythologiques. C’est le cas par exemple de la chouette représentant Athéna sur les monnaies d’Athènes. L’homme et la femme sur l’image érotique ne sont donc ni homme ni femme. Le personnage masculin est un satyre, ou silène, ithyphallique. Il se trouve dans la position de course agenouillée, typique des représentations grecques archaïque. La jeune femme est dés lors une nymphe. Elle lève un bras dans une attitude qui parait être du refus. Elle ne semble pas consentante.

L’évolution stylistique de la main de la nymphe sur les différentes monnaies à une signification particulière. Cette main va indiquer le poids de la monnaie (2) et donc sa valeur, qui évolue au fil du temps.

Cette scène peut paraitre violente et il est étrange qu’elle figure sur une monnaie. En réalité, elle représente la vigueur de la terre (satyre) qui s’unit à l’eau (nymphe). Cette image se trouve sur une monnaie de l’ile de Thasos car l’eau et la terre s’y allie pour donner le vin. Sur d’autres pièces de Thasos, ce vin est représenté par Dionysos. Cette image n’a donc rien de choquant ou d’obscène car elle montre la fécondité de la nature.

Cet article est basé sur la lecture de l’article Une monnaie érotique, manifeste de virilité et de fécondité de Matteo Campagnolo. Il est le Conservateur du cabinet de numismatique de Genève et chargé d’enseignement à l’université de Genève. Il propose ici son analyse très pointue de la monnaie de Thasos, dont on peut voir un exemplaire au Musée d’Art et d’Histoire de Genève.

J’ai également utilisé un article du blog du Club de Numismatique de Liège. Intitulé Monnaies de Thasos, il reprend en grande partie les propos de Olivier Picard, ancien président de la Société française de numismatique et membre de l’École française d’Athènes. J’ai donc considéré cet article comme fiable.

(1) Matteo Campagnolo, Une monnaie érotique, manifeste de virilité et de fécondité [en ligne], http://blog.mahgeneve.ch/une-monnaie-erotique-manifeste-de-virilite-et-de-fecondite/ (consulté le 21 avril 2016)

(2) Club Numismatique de Liège, Monnaies de Thasos [en ligne], https://cnumismatiqueliegeois.wordpress.com/2011/10/25/monnaies-de-thasos/ (consulté le 21 avril 2016)

L’érotisme à Pompéi à travers les fresques des Thermes du plaisir

Détail, Fresque des Thermes Suburbains, Pompéi (© Public Domain via Wikimedia)
Détail, Fresque des Thermes Suburbains, Pompéi (© Public Domain via Wikimedia)

La ville romaine de Pompéi, engloutie sous les cendres du Vésuve en 79 ap. J.-C., a livré de nombreuses représentations érotiques. Des fresques, des graffitis et même des statues nous offrent une idée intéressante de ce qu’était la vie sexuelle des Romains. Un exemple particulièrement explicite est celui des Thermes Suburbains, aussi appelés Thermes du plaisir. Découverts en 1958, ces bains particuliers ont été restaurés et sont ouverts au public depuis 2010.

 Il existe peu de documentation en français sur internet à propos des Thermes suburbains. Ce sont souvent des sites rédigés par des amateurs passionnés ou non et il est difficile de juger de la qualité des informations. Cependant, certains sites, surtout en anglais, m’ont semblés intéressants et bien documentés. Ils sont listés à la fin de cet article. Je n’ai pas trouvé de publications scientifiques en anglais ou en français disponibles gratuitement. Cependant, Luciana Jacobelli, une archéologue et professeur à l’Université de Molise, propose sur sa page Academia une monographie sur les images érotiques des Thermes suburbains en italien, ainsi qu’un article sur leur architecture en allemand. Ne maitrisant ni l’allemand, ni l’italien, je n’ai pu les utiliser pour cet article.

 Les Thermes suburbains sont situés en bordure de la ville de Pompéi, près de la porte de la Mer (Porta Marina). La bâtiment comprend tout les éléments

Détail, Fresque des Thermes Suburbains, Pompéi (© Public Domain via Wikimedia)
Détail, Fresque des Thermes Suburbains, Pompéi (© Public Domain via Wikimedia)

classiques des bains romains : un bassin chauffé, un bassin non chauffé, un laconicum, etc. Ce qui rend ces thermes uniques est le vestiaire, décoré de fresques érotiques. Premièrement, comme dans les Thermes suburbains d’Herculanum, il n’y a pas de vestiaires différents pour les femmes et les hommes. Soit ces thermes étaient réservés aux hommes, soit les deux sexes pouvaient y accéder en même temps ou bien à des horaires bien définis pour chacun. Ce vestiaire est donc décoré de 8 petits panneaux présentant différentes scènes érotiques. On peut y voir un plan à trois, une homme pratiquant un cunnilingus et même un scène lesbienne. Il y a plusieurs hypothèses sur l’utilité de ces fresques. Selon Anthonio Varone, il s’agissait de thermes privés où les marins venaient se détendre et s’offrir du plaisir après avoir travaillé en mer. Une autre hypothèse est qu’il s’agit de « publicité » pour un lupanar tout proche. Enfin, Luciana Jacobelli propose que ces scènes fussent destinées à se souvenir de l’emplacement de son casier. Il s’agit sans doute de prostituées car la femme romaine, la matrone, devait avoir un comportement chaste, c’est-à-dire avoir des relations sexuelles avec son mari dans le but d’avoir des enfants. Le plaisir était un élément secondaire de la vie sexuelle des matrones (1).

 Ces scènes érotiques nous offrent une plongée dans la vie intime des habitants de Pompéi et en particulier des utilisateurs de ces bains. Elles nous prouvent que les images érotiques n’ont pas d’époque et pas d’âge.

Sites utilisés:

(1) Virginie Girod, docteur en histoire à Paris IV dans l’émission « Les Bons Plaisirs » diffusée le 14 mars 2016 sur France Culture (http://plus.franceculture.fr/partenaires/selection-france-culture/les-bons-plaisirs-le-plaisir-sexuel-feminin-dans-la-rome)

 

 

Banquet et chasse: l’érotisme des citoyens grecs

Kylix signé par Hieron, potier, 480 av. J.-C., Terre cuite, Metropolitan Museum, New York, © Tumblr https://www.tumblr.com/search/period%20reds

Le banquet est le loisir par excellence du citoyen grec à l’époque Antique.

Fantasmé dans l’imagerie populaire, il était l’occasion de manger et de boire mais également de s’adonner à d’autres plaisirs. Musique, poésie, chant et danse étaient pratiqués. Des courtisanes étaient également présentent pour offrir du plaisir aux convives (des hommes uniquement). Ces scènes de banquet sont très souvent représentées sur les vases. Bien qu’elles semblent offrir un instantané, elles ne sont pas à prendre au pied de la lettre.

Dans leur article (1), P. Schmitt et A. Schnapp proposent une analyse des scènes de banquet et de chasse sur la vaisselle grecque.

Les auteurs analysent les scènes représentées sur les vases de l’époque archaïque puis sur les vases de l’époque classique ainsi que l’évolution entre les deux époques.

 Il est important de savoir la place que prennent les images dans la société grecque et ce qu’elles représentent. Ce ne sont pas des instantanés de la vie à l’époque comme le sont nos photographies. Les images ont des codes et se lisent à travers le spectre de connaissance des Grecs anciens. Comme dit dans l’article, elles « sont une part de l’imaginaire de la cité ». Pour les comprendre, il faut donc s’emparer des ces codes et de ce mode de lecture.

 A l’époque archaïque, les scènes de chasses sont assez variées. Les scènes érotiques sont celles de la chasse au lièvre. La scène d’offrande d’un lièvre entre un jeune homme et un plus âgé (barbu) est pour les grecs, l’expression explicite d’un échange érotique. Les banquets sont eux plus statiques et expriment la position vénérable des participants.

 Il y a une évolution de l’univers de la chasse et du banquet. La chasse devient une représentation héroïque et perd sa tension érotique. Le don de lièvre conserve son caractère érotique mais est plus discret. Le banquet, à l’inverse, perd de sa statique et se tourne plus vers les plaisirs : le vin, la musique et l’érotisme. Pour les auteurs, le banquet archaïque est le début du banquet et le banquet classique en est la fin. Ces changements sont pour eux le signe du changement idéologique de la cité.

 Cet article propose une analyse assez poussée des images de la société grecque. Il offre une nouvelle compréhension des scènes que l’on peut trouver sur les différents vases. Cela permet de véritablement s’imaginer à la place d’un citoyen grec et voir comme lui verrait et interprèterait ces images.

L’article est disponible sur Jstor, une librairie digitale proposant des publications scientifiques. Il faut être inscrit pour pouvoir le consulter en ligne gratuitement. Le téléchargement est payant.

(1) Schmitt P. & Schnapp A., « Image et société en Grèce Ancienne: les représentations de la chasse et du banquet », Revue Archéologique, Nouvelle Série, Fasc. 1, HOMMAGE A HENRI METZGER (1982), pp. 57-74 [en ligne] http://www.jstor.org/stable/41736973?seq=1#page_scan_tab_contents

Jeff Koons revisite les classiques

Koons
Jeff in the Position of Adam, oil inks on canvas, 96 x 144 inches, 243.8 x 365.8 cm © Jeff Koons

Pour aborder le travail de Jeff Koons, il semble nécessaire de rappeler que dans l’art contemporain et en particulier, chez Koons « la plus grande difficulté […] est de pouvoir reconnaître la valeur de l’oeuvre strictement en termes de plasticité ou d’apparence visuelle » (1) comme nous le dit  Gaston Saint-Pierre, dans  l’article, « Le juste milieu, le trop et le pas assez : recherches sur le sens moral en art contemporain ». De plus, il rajoute que l’art contemporain est souvent remis en question pour son « apparente absence de moralité » (2). Puisqu’en effet les valeurs morales telles que l’amour, la liberté, l’espoir sont « généralement critiquées au lieu d’être défendues ou protégées » (3).

Dans un compte rendu de l’exposition, « JEFF KOONS. LA RÉTROSPECTIVE » qui a eu lieu à Paris, au Centre Pompidou du 26 novembre 2014 au 27 avril 2015, Jérôme Glicenstein nous explique que l’artiste est un ancien trader qui nourrit régulièrement les journaux people. Pour lui, la rétrospective à participer à diminuer la part d’agressivité et de crudité dans un certain nombre de ces oeuvres et en particulier Made in Heaven. Il recycle l’imagerie populaire américaine et la publicité tout en prennant des modèles dans l’histoire de l’art. Il cherche à mettre sur un pied d’égalité des éléments issus de la haute et de la basse culture. Jérôme Glicenstein précise que ce qui caractérise Koons est surement l’idée d’un excès par la superposition plus que le mauvais gout. Ses travaux se basent sur des superpositions d’images numérisées issues de sources hétérogènes comme la pornographie, l’histoire de l’art et le magazines grand public, qu’il agrandit et reproduit à la peinture à l’huile sur toile.

Dans cette œuvre de la série Made in Heaven (Fais au Paradis), Jeff Koons met en scène de manière très subjective deux personnages de sexes opposés en extase. Il insiste sur le contraste entre l’homme entièrement nu et la femme partiellement vêtue de lingerie fine en dentelle. La série est réalisée en 1989-91, où l’artiste met en scène sa vie sentimentale et sexuelle en compagnie de la Cicciolina. Cette oeuvre fit polémique pour le contenu explicitement sexuel, en effet, l’artiste se met en scène avec une ancienne escort girl. Il est ici en nu, en position d’Adam, reprenant la même pose nue de l’homme de Michel Ange dans sa Création du monde du plafond de la Chapelle Sixtine. Koons regarde sa femme, avec un léger sourire. Il la surplombe et peut admirer, la bouche légèrement ouverte et les yeux fermés de cette dernière. La tension sexuelle est très présente en effet, leurs deux mains se rejoignent presque et couvrent chacun des fesses de la jeune femme, qui en ferme les yeux de plaisir. La force de l’homme est ressenti par le muscle saillant de son épaule droite, qui est celle sur laquelle il appuie tout son poids pour s’assure une certaine stabilité. Sa virilité est aussi évoquée par sa pilosité à la différence de la féminité et la douceur de la femme, et sa jeunesse.

(1) Gaston Saint-Pierre, « Le juste milieu, le trop et le pas assez : recherches sur le sens moral en art contemporain », Horizons philosophiques, vol. 4, n° 1, 1993, p. 109-116

(2) Ibid.

(3) Ibid.

Artbracadabra… ( kécéça? )

Je tiens à préciser que cet article est totalement subjectif…. chacun est libre de penser ce qu’il veut et d’être plus ou moins réceptif à ce genre d’art.

Il est deux heures du mat’, je passe le temps à moitié endormie sur mon ordinateur… Après un périple de deux heures sur Youtube, je m’aventure dans des contrées sombres.

« Nato Piano  » (1)… fidèle adepte de cette instrument depuis mon jeune âge, je décide de cliquer sans prêter attention à la vignette. Mhhhh, mauvaise idée.

Mais qu’est-ce que je suis entrain de regarder là? C’est… comment dire… cocasse (?) ! Nato Piano se définit comme une performance d’Art contemporain ( humhum ) où trois personnes nues exécutent des gestes subtilement sexuels. Je vous laisse le plaisir de découvrir cet ovni. Nous y observons deux femmes et Nato entrain de jouer (?) du piano devant le regard interloqué ou époustouflé ou jecépajépatoucompri du maigre public.

Dans tous les cas, après avoir été abusée intérieurement, je décide d’aller faire quelques recherches sur le dit-artiste. Je tombe alors sur un blog (2) Free ( so 2005 ), qui me fait comprendre l’absurdité et le caractère bizaroïde de ce que je contemple.

Capture d’écran 2016-03-07 à 17.41.50
Copie d’écran provenant du blog http://nato.lepeintre.free.fr/indexbis.htm

Fouillis chaotique ( voulu? ), innombrables couleurs incompatibles les unes avec les autres… je ne sais où donner de la tête… Qui l’écrit? Ah bah, nous ne savons point. Enfin si, une certaine Lauranne dont nous connaissons peu de choses si ce n’est qu’elle aussi est artiste.

Bon, passons au vif du sujet. Alors selon elle, Nato, artiste belge, a tout compris sur l’Art et la sexualité et se fiche de la réception de ses créations. Nous, pauvres mortels, nous ne sommes pas aptes à assimiler  » l’exceptionnelle force de l’œuvre [ car nos ] références et [ nos ] acquis intellectuels [ nous ] empêchent de voir. » Le problème majeur de ce site est la subjectivité de la rédactrice. En effet, elle-même étant artiste contemporaine, probablement amie et adoratrice de Nato, il n’est pas concevable d’y retrouver un avis objectif. Contrairement à un site officiel de musée ou à une publication dans une revue spécialisée, la théorie exposée par le créateur ne peut être clairement comprise. Néanmoins, nous obtenons un lien direct avec l’artiste que nous pouvons contacter par mail (si une soudaine envie farfelue vers la conquête d’informations supplémentaires nous taraude l’esprit).

Je décide donc de continuer mon exploration en essayant de prendre le plus de recul possible sur ce que je mire ( il est 3h… mes yeux piquent et je commence à fatiguer ). A vrai dire, au-delà des couleurs à outrance, le site nous permet d’avoir une réelle rétrospective de l’artiste. Donc, je ne sais vraiment pas où placer mon jugement… je me questionne : Comment juger un artiste dont quasi-personne ne connait l’existence? Comment évaluer la source?

Mon petit cerveau est confu… Je dirais pour conclure que, compte tenu de la proximité de l’artiste et de la bloggeuse, les a priori sur le choix esthétique du site ne sont qu’ expressions de notre propre sensibilité.

Fantaisiste incompris, énigmatique, les seuls principes théorisés découlent directement de son Art brut, esprit libérateur.

Lumière sur un nouveau type de pensée vers une interprétation de la sexualité hors norme?

(1)NATO, « Nato, Piano », YOUTUBE [ en ligne ], consulté le 08 mars 2016.

URL: https://www.youtube.com/watch?v=n9b0sDqVVjk

(2)LAURANNE,« Nato, le peintre », FREE   [ en ligne ], consulté le 08 mars 2016.

URL: http://nato.lepeintre.free.fr/indexbis.htm

 

Kiss me forever…

 

gustav-klimt-the-kiss
Le Baiser, Klimt G., Huile et feuille d’or sur toile, 1907-08, Palais du Belvédère, Vienne.
© Artstor

« Maintenant que deviennent … Que deviennent les valses de Vienne ? »

1, 2, 3 … 1, 2, 3, ainsi font-elles… Semblables aux battements de ton cœur adouci par l’Amour. Est-il plus fort que tout? Tout est-il synonyme de rien?

Tendre caresse, divine étreinte, Gustav Klimt nous dévoile l’Amour a l’état brut. Telle une pépite d’or extirpée de la mine, elle brille par sa candeur, sans fioriture. Harmonie intime, beauté naturelle.

Grâce à la Khan Academy(1), association à but non lucratif et à l’ensemble des professeurs de leur réseau d’information, nous nous immergeons dans l’exploration méticuleuse de l’œuvre. ( J’ ai trouvé intéressant de citer cette association car elle donne un accès gratuit à la culture via un portail connu de tous [ YouTube]. Même s’il s’agit de vidéos en anglais, le développement de sous-titres multilingues permet d’ouvrir les informations à un plus large public. En quelques clics, quelques minutes, nous nous offrons une petite pause détente autour d’une œuvre d’art.. très pratique quand nous ne pouvons pas faire un A/R à Vienne pour aller contempler l’œuvre ! On nous l’amène sur un plateau.. enfin… un ordinateur… )

Caresse visuelle et réel bijou de poésie, Le Baiser est un hymne à l’enivrement mutuel. Peintre symboliste viennois, Klimt exprime un art moderne et évocateur. Intimité de l’artiste , intimité du couple, intimité du spectateur. Au centre du tableau, noyau de l’attention , le couple vient d’atteindre le paroxysme de la satisfaction. Couverture dorée qui abrite leurs corps entremêlés, sexes fusionnés cachés avec pudeur: lyrisme post-ctal . Le feu de leur passion s’est consumé jusqu’à devenir lave en fusion; or liquide brûlant; attraction bouillante. Rond et rectangle mélangés forment un unique cadre carré. Plus aucune norme géométrique n’est présente, après tout, on s’en fou, l’Amour est omniscient.

Selon Zucker, Klimt amène l’Amour au rang du divin. L’or qui prédomine la scène nous renvoie aux icônes dans la religion chrétienne orthodoxe. Spiritualité. Élévation éternelle. Leur lien est capturé sur Terre par la création et la contemplation de leur jouissance féerique. Marie tient son enfant, Mari cajole son amante. Volupté orgasmique de la femme. Satisfaction. Visage éclairé, illuminé, effleuré par le délicat baiser de son amant. Elle est son or, son bien le plus précieux. Il encercle sa muse, la protège de leur environnement.

Néant visible. Repaire spatial absent, cadre effacé. Hors du temps. L’ étreinte devient lien délectable, céleste, parsemé d’étoiles scintillantes. Leur union est scellée sur un parterre de fleurs semblable à une prairie. Le mélange des teintes et des formes crée une seule et unique entité pareille à la traîne d’une mariée. Fusion des âmes, fusion de l’être.

Vénération des deux Amoureux, allégorie de l’Amour réciproque. Klimt devient le héraut de cette gracieuse ivresse, langage universel du sentiment d’Éros.

Empreinte de leur passage, image figée, grimoire sacré de l’Âme.

(1)ZUCKER S., HARRIS B., « Gustav Klimt, The Kiss, 1907-08 », KHANACADEMY [ en ligne ], consulté le 17 février 2016.

URL: https://www.youtube.com/watch?v=BRUOACBkFRg

Mapplethorpe et le nu

thomasAndDovana
Robert Mapplethorpe, Thomas and Dovana, 1986, Vintage silver gelatin print, 24 × 20 1/10 in, 61 × 51 cm

Robert Mapplethorpe, photographe américain, décédé en 1989 par les suites du Sida, est connu pour ses nombreuses photographies exposant un sexe masculin en érection, symbole de virilité et de puissance.

La rétrospective qui lui a été consacrée au Grand Palais en 2014, d’après l’article de Jonathan Maho, Pictures versus Pictures, visait à montrer une diversité de son œuvre de fin de vie. Il montre que les techniques utilisées sont variées, mais cependant le motif iconographique se cantonnent aux portraits, aux nus et aux photographies de sculptures. Thomas and Donova, s’inscrit dans cette œuvre de fin de vie, mêlant à la fois le nu et la sculpture (humaine). Cet article nous précise que cette diversité est possible grâce à une certaine liberté de contrainte financière. Petit à petit, la maladie s’aggravant il se détache des nus, peut-être par « désintéret pour la chair » (1). En effet, à partir de 1985, il n’y a plus de sexe présent dans les photographies de Mapplethorpe. Cette exposition, avait pour but de souligner un artiste que rêvait d’être reconnu comme un sculpteur, « travaillant avec la lumière comme d’autres travaillent avec le marbre » (2).

Dans cette photographie, Thomas and Dovana, prise en 1986, il entre dans une nouvelle phase de sa carrière, où il s’attache à représenter la virilité d’une toute autre manière que celle à laquelle il s’était référé jusqu’à présent. Par un contraste de lumière assez fort, il oppose à la fois l’homme à la femme, mais aussi le nu à l’habillé, et le noir et blanc, couleur de peau des deux personnes. La pose de Thomas met en valeur son corps athlétique, dans une pose sculpturale qui rappelle celle le Gladiateur Borghèse. La série de Thomas à laquelle appartient notre photo ou encore celle d’Ajitto, montre donc aussi sa grande connaissance en histoire de l’art, puisqu’il en reprend les codes et postures, tout en les transposant dans un registre différent. Il existe en effet un érotisme latent dans cette photographie, l’homme nu tient avec une certaine force mais tout en tendresse le corps de la danseuse, comme si elle était sa bien-aimée. L’affection ainsi le désir de l’homme ,nu, muscles tendus, crée une scène amoureuse, débouchant sur un érotisme pudique.

La tête penchée en arrière, une main délicatement posée sur les épaules de son homme, les yeux fermés, cette dernière s’abandonne dans des bras puissants et forts.  L’extase et l’abandon sont mis en valeur par la peau tendue de son corps, mais aussi par la blancheur de sa robe et de sa peau qui se détache sur le fond noir. Tandis que l’aspect théâtral de la scène, imitant un couple d’une pièce de Shakespeare, tient dans son cadrage rapproché des deux protagonistes, excluant tout le reste, il ne reste plus qu’eux.

(1) Jonathan Maho, « Pictures versus Pictures », Transatlantica [En ligne], 2 | 2014, mis en ligne le 05 mars 2015, consulté le 12 février 2016. URL : http://transatlantica.revues.org/7035

(2) Jonathan Maho, « Pictures versus Pictures », Transatlantica [En ligne], 2 | 2014, mis en ligne le 05 mars 2015, consulté le 12 février 2016. URL : http://transatlantica.revues.org/7035

Qui a dit que le Twister n’était que pour les enfants?

temple kandarija
Détail de paroi, vers 1030, Temple de Kandariya, Khajuraho. © Artstor

/!\ Attention ! Toute ressemblance avec des faits réels ne serait que pure et fortuite coïncidence…

Une jambe à gauche, un bras à droite, une main au centre, un pied sur le côté… Ça vous dirait une bonne partie de jambe en l’air façon Tandoori à la sauce Tantrisme? Son mélange d’ épices douces et piquantes exalterait vos forces énergétiques, n’est-ce pas? Alors Shiva… Shiva pas?

Œuvre de la dynastie des Chandella, qui connait son apogée entre 950 et 1050, le temple de Kandariya à Khajuraho en Inde est une invitation à l’enivrement des sens et au désir charnel. Tout porte à croire que le sexe domine sur ces murs de pierre. Grâce à l’analyse de Michel Angot(1), membre du Centre d’Études de l’Inde et de l’Asie du sud, enseignant à l’EHESS, nous comprenons vite que la sexualité n’est pas synonyme de chair mais de passion , d’amour qui amène au voyage de l’âme. La sexualité est vénérée, considérée comme sacrée loin de la simple passion charnelle. Dans cette scène, on fait l’Amour, on est Amour. Le Kamasutra est un texte sacré pour les Indiens. « Cela tient en grande partie au fait que si dans le christianisme Dieu est amour, en Inde Dieu fait l’amour. » Pour rendre un culte à la divinité il faut exposer le partage de son sentiment en scellant l’union par le biais de l’art. La peinture, la sculpture restent et gravent les instants à jamais. 

Afin de vénérer un dieu, il faut s’élever personnellement et atteindre une sorte d’ataraxie, d’orgasme physique et spirituel. Cela rejoint les pratiques de Tantrisme qui fait fusionner les forces énergétiques des deux partenaires pour atteindre l’extase. L’homme et la femme au centre forment une sorte de symétrie dans l’axe haut/bas. Echange réciproque. Ils établissent une union du corps et de l’esprit. La connexion devient tellement intime et aimante qu’elle s’ouvre à tout l’environnement qui entoure les deux amants, y compris les entités qui semblent s’immiscer dans leur union. Le mur où ils sont présentés fige leur étreinte en les rendant immortels, hors du temps.

La société de production Geethanjali(2) nous offre la possibilité de découvrir plus en détail les merveilles du temple par le biais de Youtube. Un petit voyage gratuit à bord du Thali Express…  La culture indienne nous est enseignée au même titre que le Kamasutra par le biais de l’architecture. Nous y sommes. Les partenaires, les positions, les lieux, les sens… tout change. Tous ensemble dans cette joyeuse orgie !  La beauté réside dans le partage et la multiplicité des actes.

Elévation, Divin et Orgasme. Synonymes de cet instant ineffable?

(1) ANGOT M., “L’art érotique hindou”, EHESS [ en ligne ], consulté le 08/02/2016.

URL: http://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/pdf/pdf_lart_erotique_hindou.pdf

(2) TRAVEL SAGA CHANNEL, « Khajuraho – Kandariya Temple – Famous Erotic Sculptures and Architecture – Incredible India », YOUTUBE [ en ligne ], consulté le 08/02/2016.

URL:  https://www.youtube.com/watch?v=5CUeFIMPI5M