Rubens (1577-1640), est surtout connu pour la réalisation, au Palais du Luxembourg, d’un grand cycle de peinture à la gloire de la reine Marie de Médicis. Outre le fait d’être un peintre humaniste et érudit, c’est aussi un artiste engagé, ambassadeur auprès de la cour d’Espagne notamment pendant la guerre qui touche les Pays-Bas à ce moment. Rubens séjourne un long moment en Italie où il voit des œuvres de la Renaissance italienne. A partir de cette culture littéraire et visuelle qui acquiert, Rubens crée un nouveau langage qui, à son retour à Anvers, transforme la peinture flamande, et devient un modèle pour toute l’Europe.
Pierre Malandain, dans son article, « L’histoire qui se prend par les yeux… » : Michelet et Rubens, étudie la position de Michelet par rapport aux tableaux de Rubens. Il souligne que Michelet, considère ces derniers comme l’« expression gratuite d’une sensualité provocante » (1). Dans ce tableau mettant en scène une jeune femme et un cygne, Rubens réemploie l’iconographie déjà ancienne de Léda et Jupiter (alors transformé en cygne pour la séduire). Cependant, il positionne la jeune femme de manière provocante, en érotisant le moment de l’union de Léda et du dieu. Léda se retrouve sous les traits d’une femme aux formes bien dessinées, nue au milieu de la nature. Elle parait comme assoupie, reposée et calme. L’érotisme de cette scène est marqué par le léger écartement de ses cuisses, qui permet au cygne de se blottir contre elle et de s’unir à elle. L’étreinte de leur deux corps est suggérée par leur proximité mais aussi la manière dont Rubens a réussi à imbriquer les deux êtres. Ainsi, le cygne suit toutes les courbes de la jeune femme. Ses pattes touchent les fesses de Léda tout en cachant son sexe, son cou vient se lotir entre les deux seins et pour finir le bec de l’oiseau embrasse la jeune femme dans un baiser ultime.
Les ailes déployées du cygne, semblerait rappeler la puissance virile du dieu pendant leur union. Ainsi, Jupiter utilise à la fois force de l’homme et douceur du cygne pour séduire Léda. Lorsque Michelet voit une « sensualité provocante » (2), on peut souligner en effet que la présence du cou loti au creux des seins de la jeune fille, est peut-être provocante pour un spectateur. Puisqu’en effet, le cou rappelle de manière non innocente la forme d’un sexe masculin. On peut aussi rajouter à cela que la blancheur du corps de la jeune femme, mis en avant par un fond de végétation très sombre, donne à ce moment intime un aspect très sensuel.
(1) Malandain Pierre. « L’histoire qui se prend par les yeux… » : Michelet et Rubens. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 29ᵉ année, N. 2, 1974. pp. 349-367
(2) Ibid.